
Réponses au rapport de Reclaim Finance
- 9 juillet 2025
L’ERAFP gère un régime de retraite obligatoire en capitalisation dont les bénéficiaires sont les fonctionnaires de l’État, des collectivités territoriales et des hôpitaux. Dans ce cadre, il recherche la récurrence des performances du portefeuille et sa résilience face à des chocs adverses de toute nature, qu’il s’agisse des chocs sur le marché actions par exemple, ou un environnement de taux réels très faibles ou négatifs comme dans les années 2010. L’ERAFP est tout à fait conscient que le réchauffement climatique constitue aussi un risque majeur et de son impact sur la valeur à long terme des actifs.
C’est pourquoi il partage avec Reclaim Finance l’objectif d’une économie décarbonée. Il diverge cependant avec cette association sur les modalités de la stratégie à suivre et regrette que la réalité des résultats importants obtenus dans la décarbonation de ses investissements soit occultée.
Contrairement à ce qu’affirme Reclaim Finance, l’ERAFP ne pense pas que c’est en désinvestissant ou en cessant d’investir par principe dans les entreprises du secteur des fossiles que l’on sert au mieux les intérêts des affiliés du RAFP. C’est au contraire, ainsi que le conseil d’administration de l’ERAFP, composé des représentants des bénéficiaires et des employeurs, en a décidé depuis longtemps, en actionnant plusieurs leviers complémentaires pour décarboner le portefeuille :
- dans les choix d’investissement, en réduisant progressivement la part des investissements dans les actifs les plus susceptibles d’être affectés par le changement climatique et la part de ceux qui y contribuent le plus ;
- en investissant au contraire une part significative du portefeuille dans des actifs qui concourent directement à la lutte contre le réchauffement, comme les infrastructures d’énergies renouvelables ;
- en conduisant une politique d’engagement actionnarial exigeante et constante pour pousser les entreprises à faire évoluer leur politique en faveur de la transition énergétique.
Les résultats obtenus par l’ERAFP dans la décarbonation de son portefeuille attestent de la pertinence de cette stratégie.
1. L’approche par l’exclusion ne sert pas la transition énergétique et serait même contre-productive.
- d’abord parce que certains industriels du secteur des hydrocarbures sont également des acteurs importants des énergies renouvelables ;
- surtout parce que le retrait d’investisseurs institutionnels français tels que l’ERAFP, attachés aux enjeux de la transition énergétique, laisserait la place à des investisseurs ou des industriels qui n’ont pas d’autre objectif que la performance financière à court terme, sans se préoccuper de la soutenabilité à long terme de l’activité économique, et bien évidemment sans considération pour la lutte contre le échauffement climatique.
2. C’est pourquoi l’ERAFP privilégie une approche sélective des entreprises, dite de best in class, ainsi qu’une politique d’engagement actionnarial marquée par l’exigence et la constance.
Le best in class consiste à retenir les valeurs qui, dans chaque secteur d’activité, répondent au mieux aux exigences du référentiel d’investissement responsable de l’ERAFP.
Cette approche s’applique à tous les secteurs économiques et est largement détaillée dans la politique d’investissement de l’ERAFP ainsi que dans le rapport de durabilité. Du fait du rôle prépondérant du secteur des énergies fossiles dans le changement climatique, cette approche a été complétée en 2023 par une politique dédiée à ce secteur, qui conduit à exclure du portefeuille de l’ERAFP les entreprises dont l’activité et la stratégie ne paraissent pas pouvoir converger à terme vers l’objectif de décarbonation de l’économie à l’horizon
2050, qui constitue la feuille de route de l’ERAFP.
Dans ce cadre, et à titre d’exemple, le charbon thermique a été quasiment exclu (exclusion des entreprises dont le charbon dépasse 5% du chiffre d’affaires, proportion ramenée à 1% en 2026), ainsi que les entreprises dont les hydrocarbures non conventionnels représentent une part supérieure à 30% de leur chiffre d’affaires. Au total, l’application des différents critères d’investissement responsable du référentiel de l’ERAFP conduit à écarter plus de 20% de l’univers d’investissement. Des entreprises comme Saudi Aramco ou Exxon ne sont ainsi pas présentes dans le portefeuille de l’ERAFP.
Par ailleurs, seul ou dans le cadre de coalitions d’investisseurs, ou par l’intermédiaire de ses gérants délégués, l’ERAFP entretient un dialogue actionnarial avec les dirigeants des entreprises les plus émissives de son portefeuille. L’ERAFP est ainsi notamment membre depuis l’origine (2006) des Principes pour l’investissement responsable (PRI) de l’ONU, du Forum pour l’investissement responsable (FIR) depuis 2016 et de l’initiative Climate Action 100+ depuis sa création en 2017. Cet engagement prend plusieurs formes, selon celles qui paraissent les plus appropriées selon les circonstances : rencontres bilatérales ou collectives avec le management de l’entreprise, participation à des dépôts de résolution en assemblée
générale, opposition systématique aux résolutions contraires aux lignes directrices de vote adoptées par le conseil d’administration de l’ERAFP. La demande d’effectuer des engagements est contractuelle pour les sociétés de gestion sélectionnées par l’ERAFP
et un suivi régulier en est assuré.
La clé du succès de l’engagement n’est pas dans la surenchère polémique. Elle est dans l’exigence, la constance, souvent la coordination avec d’autres investisseurs. Le désinvestissement peut être l’issue d’efforts sans résultat mais cette décision ne peut être prise à la légère : elle implique de renoncer à tout levier d’action sur l’entreprise et elle peut, dans certains cas, nuire aux intérêts immédiats des bénéficiaires du RAFP.
3. Cette stratégie a permis à l’ERAFP d’obtenir des résultats très probants sur le chemin de la décarbonation de son portefeuille.
L’ERAFP s’est doté depuis 2021 d’une politique climat, avec des objectifs ambitieux, dans le cadre de son adhésion à l’Alliance des investisseurs pour la neutralité carbone (NZAOA). Il a dans ce cadre atteint des résultats importants et notamment :
- l’intensité carbone du portefeuille d’actions et d’obligations d’entreprises a diminué de 56% sur la période 2019-2024 ;
- le portefeuille coté de l’ERAFP est très sous-exposé aux combustibles fossiles comparativement aux indices de référence : 3,2% du chiffre d’affaires des entreprises du portefeuille coté de l’ERAFP était lié aux combustibles fossiles fin 2024, contre 5,4% pour l’indice ; les entreprises réalisant plus de 50% de leur chiffre d’affaires dans les combustibles fossiles représentaient 3,9% du portefeuille contre 6,1% pour
l’indice ; ces proportions sont évidemment encore plus faibles si on les rapporte à la totalité du portefeuille (de l’ordre de 1,5% fin 2024 s’agissant du poids des entreprises cotées dans le portefeuille réalisant plus de 50% de leur chiffre d’affaires dans le secteur des combustibles fossiles) ;
- de même, l’ERAFP a largement atteint les objectifs de financement dédiés à la transition énergétique, avec un montant total de 21 Md€ à fin 2024 (44% du portefeuille) orientés vers cet objectif ; plus de la moitié de ces investissements (11,9 Md€) concernent des actions d’entreprises dotés d’un objectif « 1,5°C » validé par la SBTi (Science Based Targed Initiative) ;
- la performance carbone du portefeuille immobilier se caractérise par une réduction significative de 47% de l’intensité surfacique (kgCO 2 /m 2 ) entre 2019 et 2023.
La pertinence de cette politique d’investissement responsable de l’ERAFP est particulièrement reconnue, comme en témoignent notamment sa récente élection au conseil d’administration du FIR il y a quelques jours la sollicitation dont il a fait l’objet par l’organisation des PRI pour intégrer son groupe de travail sur l’engagement ou l’obtention du prix Investment and Pension Europe Transition Award 2025 « Outstanding contribution to
transition management » qui distingue une contribution à la transition qualifiée « d’exceptionnelle ».
4. La mise en œuvre de la politique d’investissement responsable est une obligation pour les gérants délégués et l’ERAFP s’assure de son effectivité.
Reclaim Finance paraît faire reproche notamment à l’ERAFP de recourir à des gestionnaires d’actifs externes. Il faut d’abord savoir que cette gestion déléguée est une obligation réglementaire pour l’ERAFP (sauf pour le portefeuille d’obligations souveraines), ce que Reclaim Finance semble donc ignorer.
Par ailleurs, Reclaim Finance fait une appréciation erronée de la politique de sélection des gérants : ceux-ci sont sélectionnés dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres conformément au droit des marchés publics car l’ERAFP est un établissement public ; le choix des gérants ne peut donc pas être une décision discrétionnaire de l’ERAFP mais résulte au contraire d’un exercice d’évaluation multi-critères des candidats.
La politique ISR des candidats et leur capacité à mettre en œuvre celle de l’ERAFP en la matière est l’un des critères – important - de sélection. Le processus de sélection est rigoureux :
- une première phase de sélection vise à estimer les capacités générales des candidats, notamment en matière d’ISR ;
- une seconde phase d’analyse des offres qui permet d’évaluer l’adéquation des processus de gestion proposés par les candidats avec les lignes directrices spécifiques de l’ERAFP, notamment en matière d’investissement responsable.
Enfin, la politique ISR de l’ERAFP, y compris les lignes directrices de vote en assemblée générale font partie intégrante des obligations contractuelles des gérants sélectionnés. L’ERAFP en effectue le suivi de façon très régulière. Les manquements au respect de la
politique ISR de l’ERAFP seraient par conséquent susceptibles de constituer un motif de résiliation du mandat.
5. L’ERAFP a récemment réaffirmé et amplifié ses objectifs pour aligner ses investissements avec la réponse aux enjeux environnementaux.
L’ERAFP vient de renforcer ses engagements, avec l’actualisation de sa politique climat et l’adoption, pour la première fois, d’une politique biodiversité. Il ne s’agit pas d’une rupture mais d’un approfondissement logique de ses engagements. Il continuera à les réévaluer de façon régulière.
S’agissant du climat, après des premiers objectifs définis en 2021 et couvrant une première période allant de 2019 à 2024, l’ERAFP s’est fixé de nouveaux objectifs à horizon 2029, qui vise à progresser sur le chemin de la décarbonation. L’ERAFP a ainsi notamment pour objectif de réduire de 60% l’intensité carbone de son portefeuille d’entreprises cotées sur la période 2019-2029 et de réduire de 15% l’intensité carbone surfacique de ses portefeuilles immobiliers entre 2023 et 2028. L’ERAFP a également pour objectif d’augmenter les montants investis dans des actifs contribuant à la transition énergétique et à la décarbonation de son portefeuille en investissant notamment 1,5 à 1,8 Md€ dans le financement de la transition écologique sur la période 2025-2029. Par ailleurs, l’ERAFP souhaite atteindre 55% d’entreprises des portefeuilles actions, obligations d’entreprises et
convertibles s’étant fixé un objectif d’alignement de température inférieur ou égal à 1,5° C validé par la SBTi d’ici 2029.
Par ailleurs, la biodiversité constitue un enjeu au moins aussi important que le climat. Cela passe pour l’ERAFP par :
- s’engager à aligner la politique d’investissement sur les objectifs internationaux de biodiversité et en rendre compte à la gouvernance ;
- demander aux gérants d’intégrer les enjeux de biodiversité dans leurs processus d’investissement et de gestion ;
- intégrer des investissements fléchés « nature et biodiversité » pour un montant cible de 200 M€ ;
- intégrer des critères d’éligibilité sur l’huile de palme et les pesticides.