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Information générale

"COP21 : le monde est en train de changer" par Philippe Desfossés

  • 14 décembre 2015
Climat et biodiversité

Après des mois de préparation puis deux semaines de discussions et négociations au Bourget, un accord vient d’être signé par les parties de la COP21.

 
Est-ce un bon accord ? Compte tenu des expériences précédentes et des fortes attentes des participants la question est légitime.
 
Avant d’y répondre, il faudrait quand même rappeler que la COP 21 a eu lieu. Après les événements de début novembre, il a fallu renforcer les mesures de sécurité, mobiliser encore davantage les services publics concernés alors que Vigipirate les sollicite déjà beaucoup. Le résultat est là ! Non seulement la COP s’est bien réunie mais après un premier jour rendu un peu compliqué par la présence des chefs d’Etat, elle s’est déroulée dans de très bonnes conditions. Tous les participants ont souligné la qualité de l’organisation, l’efficacité des procédures destinées à réguler les mouvements des délégués et la prévenance de tous les personnels mobilisés à cette occasion.  Que ces personnels et en particulier les forces de l’ordre et les agents de la RATP et de la SNCF soient tous remerciés.

Sur le fond, là aussi, il faut commencer par rapporter ce que beaucoup de délégués ont souligné à savoir la grande qualité du support assuré par la diplomatie française. 
Au-delà, on doit relever avec satisfaction des avancées dont il faut bien prendre la mesure.
 
Tout d’abord, tout le monde a accepté de s’engager sur un but commun à savoir lutter pour réduire la part imputable à l’homme du réchauffement. Cette fois-ci, les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre sont parties à un accord « engageant ». Ceci a été rendu possible par la reconnaissance de la nécessité d’une approche différenciée et de l’obligation de mobiliser au bénéfice des pays émergents au moins 100Md$ de financements par an.

L’autre grand motif de satisfaction est la volonté d’afficher, au-delà de l’objectif d’une augmentation de 2 degrés maximum, de poursuivre les meilleurs efforts pour la limiter à 1,5.
Comme les engagements pris par les signataires ne suffisent pas à ce stade pour tenir le premier objectif, il est convenu de se revoir régulièrement (tous les 5 ans) pour vérifier que les engagements pris ou renouvelés ou les progrès enregistrés grâce aux politiques mises en œuvre, mais aussi à la technologie nous permettent d’être sur la bonne trajectoire.
 
Alors bien sûr, certains diront ce n’est pas assez. Le compte n’y est pas !

Si l’on considère l’absence de prix sur le carbone, on ne peut que partager la position exprimée par le Président Obama dans sa conférence de presse : « It is a perfect example of market failure ».
En revanche, s’il est vrai que mettre un prix sur le carbone est un enjeu majeur pour réorienter les flux d’investissements vers l’économie « décarbonée » et ainsi accélérer la transition, il est tout aussi vrai qu’il n’a jamais été prévu que la COP21 fixe un tel prix.
On ne peut donc que se réjouir de relever le caractère très incitatif de la référence que l’on trouve à ce prix dans le point 137 de l’accord « also recognizes the important role of providing incentives for emission reduction activities, including tools such as domestic policies and carbon pricing ».
Notons, de plus, que dans son allocution de clôture de la COP21, le Président François Hollande a annoncé son intention de « former une coalition pour obtenir un prix du carbone pour que les investissements puissent être réorientés. »

On espère, de même, que les gouvernements veilleront à réduire les subventions qui continuent de soutenir la consommation d’énergies fossiles au lieu d’encourager partout où cela est possible à des conditions économiques raisonnables de basculer vers des énergies renouvelables.
Surtout, les sceptiques doivent prendre conscience que si on ne s’en tient qu’à ce qui se passe à la surface, on manque l’essentiel.
L’essentiel c’est que les entreprises comme les investisseurs institutionnels ont déjà amorcé la transition. Cela ne se voit pas encore mais le mouvement est là. Il est peut être sous terrain mais il est très puissant et rien ne l’arrêtera.

De très nombreuses entreprises ont déjà adopté un prix du carbone en interne. Pour les plus clairvoyantes, il est clair que la transition est aussi perçue comme une opportunité. Beaucoup repensent leur business modèle pour améliorer leur efficience énergétique, voire basculer vers l’économie de la fonctionnalité (vendre l’usage des produits plutôt que les produits eux-mêmes).

Pour les investisseurs institutionnels, les temps changent aussi. Avec la publication, l’année dernière, du Risky Business Report cosigné par M. Bloomberg, H. Paulson et T. Steyer, plus personne ne peut dire ignorer que le changement climatique est un risque pour la valeur de ses actifs. Ne serait-ce que pour respecter leur devoir fiduciaire, les investisseurs institutionnels doivent mesurer ce risque.

C’est bien ce constat qui a conduit l’ERAFP a calculé l’empreinte carbone de son portefeuille d’actions pour la première fois il y a deux ans. C’est également motivé par cette même conviction qu’on ne gère pas ce qu’on ne mesure pas, que le Parlement a adopté la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (loi n° 2015-992 du 17 août 2015). 
Dans son article 173, celle-ci demande aux investisseurs et aux entreprises de publier de nouvelles informations pour permettre d’évaluer leur exposition au changement climatique comme leur stratégie et les investissements associés pour gérer l’impact de celui-ci sur leur activité.
De même, comment ne pas voir que l’initiative lancée par le Gouverneur de la Banque d’Angleterre M. Mc Carney et M. Michael Bloomberg va aussi accroître la transparence sur les performances des entreprises en matière d’émission.

En conclusion, la COP 21 marque un tournant. Membre du Groupe des Investisseurs sur le Changement Climatique (IIGCC regroupe 120 investisseurs institutionnels en charge de la gestion de 13 000 Md€), l’ERAFP peut attester de leur satisfaction. Le cadre se met  en place. A chacun dans ce cadre, de faire tout ce qui est en son pouvoir et bien souvent de son devoir pour le faire vivre et assurer son plein impact. C’est bien avec détermination que l’ERAFP va poursuivre et intensifier ses efforts. Ainsi le RAFP vient-il de lancer avec Share Action l’initiative RE 100 (passer à 100% d’électricité d’origine renouvelable à un horizon aussi rapproché que possible).
Parmi les signataires on relève plusieurs poids lourds : BMW, Google, Microsoft, Procter § Gamble, mais aussi La Poste.
Espérons que de nombreuses autres entreprises les rejoindront…

Si elles ont encore des doutes elles feraient bien de méditer la citation choisie par Al Gore pour appeler notre attention : « Change takes more time to happen than you think but then happens much faster than you thought. »

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